A l’occasion du 8 mars, Journée Internationale des droits des femmes, l’Abrapa a souhaité mettre à l’honneur celles qui représentent 93 % de nos effectifs et œuvrent au quotidien auprès de nos clients, patients et résidents.
Qu’elles travaillent au domicile des personnes aidées ou en établissement, sur le terrain ou au centre administratif, à un poste d’aide, de soin ou de management, dans le Bas-Rhin ou dans nos territoires, ELLES nous racontent leurs parcours et leur rapport au travail dans une série de portraits.
1. Petite fille, quel métier rêviez-vous de faire ?
Réellement ? Je voulais être mère au foyer, m’occuper de mes enfants.
2. Votre parcours professionnel : ligne droite ou chemins détournés ?
C’était vraiment des chemins détournés. J’ai eu mon BAC, j’ai voulu continuer mes études en faisant une année en littérature. Par la suite j’ai rencontré mon mari, on s’est mariés, on a eu notre premier enfant. Comme il fallait que je m’installe, je suis allée travailler. Au début c’était quelques heures de ménage. Après j’ai travaillé dans un hôpital en tant qu’Agent de Services Hospitaliers (ASH) en contrat de 35h. Par la suite je suis tombée enceinte de mon deuxième enfant. C’est là où je me suis arrêtée pendant 7 ans parce que j’ai eu ce deuxième enfant, puis le troisième et le quatrième.
En 2017, j’ai repris mon poste en tant que Cheffe d’équipe ASH pendant 4 ans. J’ai eu quelques soucis de santé et à mon retour les missions de mon poste avaient changé. J’avais toujours l’intitulé de poste de « Cheffe d’équipe » mais en réalité je faisais les missions d’un Agent. Cette situation m’a déplu, je n’ai pas accepté qu’on m’enlève mon poste. Comme je n’étais pas bien dans mon travail et que je m’y sentais mal, j’ai voulu changer de travail. Et c’est là que j’ai postulé à l’Abrapa. C’est mon cousin qui travaille à l’Abrapa, qui connaissait un peu mon parcours et il sait que je suis quelqu’un qui aime rouler. J’aime bien rouler, ça ne me dérange pas. Je lui disais que je voulais faire chauffeur poids lourds, chauffeur livreur… Mais il y avait ce manque de contact humain. A l’hôpital on avait quand même du contact avec les personnes malades. Et il m’a parlé du portage de repas. Quand j’ai postulé c’était pour le portage de repas, puis le jour de l’entretien c’était en fait pour le transport accompagné. J’ai dit que c’était encore mieux ! On est plus en contact. On passe plus de temps avec les personnes. Aujourd’hui, je suis à l’Abrapa depuis 4 mois.
3. Les trois mots qui résument votre métier aujourd’hui ?
Patience, écoute, ne pas prendre les choses trop à cœur.
4. Être une femme dans votre métier ça change quelque chose ou pas ?
Oui et non. Cela change par rapport aux bénéficiaires. Pour eux, une femme c’est plus doux et elle donne plus son temps qu’un homme. C’est le retour qu’on a des clientes femmes. Elles préfèrent toujours une femme. Il y a même des clients hommes qui préfèrent les femmes. Parce que les femmes n’ont pas ce stress, elles donnent le temps et sont moins speed. Pour les femmes, j’ai l’impression que ce n’est pas une mission : on accompagne la personne, on l’écoute.
5. Dans votre métier, vous êtes plutôt :
a. Tenace comme Hilary Swank dans Million Dollar Baby
b. Empathique comme Amélie Poulain
c. Battante comme Lara Croft
d. Exigeante comme Miranda Priestly dans le Diable s’habille en Prada
Je dirais que je suis trop exigeante, que ce soit dans la vie familiale ou professionnelle. On est comme on est, que ce soit au travail ou dans la vraie vie. On ne peut pas avoir un masque au travail et l’enlever une fois qu’on a fini.
6. Pensez-vous avoir les mêmes perspectives d’évolution qu’un homme ?
Même mieux qu’un homme je dirais. On a toujours cette niaque, on a envie de montrer qu’on peut le faire mieux qu’un homme. Et je pense qu’on a plus de patience, on encaisse mieux qu’un homme. Il y avait une manifestation par rapport à l’égalité entre les hommes et les femmes. Je leur ai dit : « Mais vous ne serez jamais égaux à nous. Nous on fait tous les boulots que vous faites. Et même si on était égaux, on restera toujours supérieures à vous car on peut avoir des grossesses. Il y a toujours un grade de supériorité par rapport à vous. » Mais ils ne veulent pas l’admettre. Mais moi j’y crois ! [rires] On est plus fortes qu’eux, c’est sûr !
Je vous donne une anecdote quand ma responsable m’appelle pour me dire qu’un client s’est désisté, moi dans ma tête, il y a déjà un plan pour la maison : « alors, je vais faire la machine…etc ». Puis elle me rappelle pour mettre une autre mission à la place. Le plan change. Notre cerveau, il travaille tout le temps. Il faut une présence masculine car on se sent plus en sécurité, mais en vrai, s’il n’y avait pas la sécurité, on serait capables de vivre seules. Après il y a tout ce qui va avec un homme. Bien sûr l’amour, la tendresse…on a toujours besoin de quelqu’un. Mais si on ne parle pas d’amour et de tendresse, on est plus fortes, on n’a pas besoin d’eux.
7. Si je vous parle rapport vie pro/vie privée, vous êtes plutôt :
a. Marmots, boulot, fourneaux
b. Running, working, shopping
c. Famille sous mon toit, emploi, temps pour soi
d. Accro au boulot
Tout ça ! [rires] Vraiment j’essaye de tout faire. Quand je suis au boulot je me sens bien.
J’aime bien recevoir, ce qui fait que tous les week-ends en général, il y a la famille. J’aime bien cuisiner. Le jour où je fais des pâtes à mes enfants, je culpabilise [rires]. Shopping, j’aime bien, surtout quand je me sens mal. C’est la seule chose qui me remonte le moral. Je dépense et je me dis : « oh maintenant je suis soulagée ! » [rires].
Je prends du temps pour moi, quand je fais du shopping, je voyage toute seule. Je fais mon sac à dos et je pars. Comme il y a quelques semaines, je suis partie en Turquie toute seule. Même si j’ai de la famille là-bas, j’ai passé deux jours toute seule dans ma semaine. Il me fallait ce temps à moi, sans les enfants autour. Sinon on ne tient pas le coup. C’est ce que j’ai appris avec l’âge et le fait de regarder autour de moi. On apprend à dire qu’à un moment il faut vivre pour soi, pour les autres aussi, mais quand ton corps a besoin d’être « chouchouté », il faut le faire. Il ne faut pas se dire « non mais c’est bon, c’est pas grave, je le ferais demain ou après-demain. » Je le veux, je le fais. Tant que possible. Après si je ne peux pas, je le ferais plus tard, mais il faut le faire.
8. Dans votre vie professionnelle, avez-vous vécu des situations particulières liées à votre statut de femme ?
Non je n’ai jamais rien eu de spécial. Jusqu’à présent heureusement, je n’ai pas eu à ce qu’on me rabaisse « parce que tu es une femme… tu n’es qu’une femme… » ça je n’ai jamais entendu.
9. Retour dans le passé, quels conseils donneriez-vous à la jeune Hind qui débute ? Et à vos jeunes collègues ?
A Hind : Ce que j’ai appris aujourd’hui. Ne pas prendre tout à cœur. Laisser passer les choses et savoir vivre sans tout garder dans le cœur. Parce que le résultat est le même : si on garde dans le cœur, on se fait du mal et ça ne change rien dans l’histoire. Alors que si on fait celle qui n’a rien entendu ou qui n’a rien vu, ça nous fera du bien et on avancera dans la vie. Il ne faut pas s’arrêter sur des problèmes. C’est ça qui rend triste.
Aux jeunes femmes : Ne pas avoir honte de leurs choix. Il n’y a pas de « sous-métier » ou un métier mieux qu’un autre. On a besoin de tous les métiers pour faire un monde.
10. Journée internationale des Droits des Femmes, pour vous, nécessaire ou pas ?
C’est toute l’année. Pour moi, il faut qu’ils reconnaissent toute l’année le travail de la femme. Et quand je dis travail, je ne dis pas que le travail avec un salaire, le travail aussi des mères au foyer.
Je suis restée 3 ans avec mes enfants, c’était un plaisir pour moi de leur préparer à manger quand ils rentraient de l’école, ils avaient déjà le gouter, ils avaient tout. Et le moment où je devais reprendre le travail, ça m’a vraiment cassé le moral. Dans le sens où je me disais : « mais comment je vais pouvoir subvenir aux besoins de mes enfants et en même temps travailler, ne pas être présente ? ». Pour moi, vraiment la cause qui me tient à cœur c’est de reconnaitre le travail de la femme à la maison. Je pense que je vais vraiment faire une association pour les femmes au foyer. Il faut leur donner un salaire, il faut leur donner quelque chose. Elles travaillent à la maison 24h sur 24. Je trouve que celles qui dévalorisent le travail de la femme à la maison, ce sont les femmes elles-mêmes « Ah t’es à la maison ? T’as de la chance, t’es à la maison… ». J’ai la chance d’être à la maison, oui, au lieu de ramener mes enfants chez la nounou ou les déposer à la crèche. Je suis là. C’est moi leur crèche, c’est moi leur nounou. Au lieu de payer quelqu’un pour faire les devoirs avec eux ou les mettre en accueil du soir et venir les récupérer. Quand ils rentrent à la maison, ils trouvent quelqu’un pour faire les devoirs avec eux. Il ne faut pas négliger un travail comme ça.
Moi je l’ai vécu. Ma mère était professeure. Et je vous assure que quand je rentrais le soir et que je ne la trouvais pas parce qu’elle finissait à 18h et que j’étais là avant elle, moi je ne voulais pas rentrer à la maison. On avait une tristesse quand ma mère n’était pas là. C’est pour cela que je me disais : « quand je vais grandir, je ne vais jamais travailler, je resterais avec mes enfants, je m’occuperais d’eux ! ». Mais malheureusement la vie fait qu’on est obligés d’aller travailler. Je me serais mal vu travailler alors que mes enfants étaient encore bébés et les mettre à la crèche. Je ne critique pas les femmes qui le font. Mais si j’avais vraiment le choix, je resterais avec mes enfants à la maison. Il y a des femmes qui ont envie d’avoir des enfants, d’autres non. Chacune fait comme elle le souhaite. Moi je parle surtout des femmes qui aiment avoir des enfants et qui aiment avoir une famille.
11. Vous vous réveillez homme demain matin, quelles sont les premières choses que vous faites ?
Je n’aimerais pas. Ce n’est pas dans mes projets [rires].
12. En finalité, être une femme dans la vie professionnelle : atout, mauvaise pioche ou joker ?
Tout dépend des personnes. Chacune a sa priorité dans la vie. Je connais des femmes qui ont besoin de ce contact avec le travail.